Jérémy, le minimaliste solitaire

En préambule Jérémy explique qu’il n’a manqué de rien dans son enfance si ce n’est de l’amour maternel… De l’essentiel donc… Mais ce qui est un détail pour lui résonne malgré tout de différentes manières dans son parcours… Restez attentif à la suite de son histoire !

Tout a commencé le jour où il a rencontré, à Miami, cette personne qui a l’air si éloigné de lui, de son mode de vie et de ses réalités. Après avoir fait connaissance rapidement, l’énergumène lui propose de finir la soirée sur son yacht avec le faste que réserve ce genre de virées insolites. Abasourdi, enchanté, Jérémy veut tout savoir. L’homme lui raconte sa success story* qui aurait pu tomber dans l’oreille d’un sourd mais qui fait mouche auprès de notre infirmier proche de ses patients. Le secret selon lui : réaliser un investissement locatif en contractant un prêt immobilier. L’objectif étant de réussir à percevoir des revenus locatifs plus importants que le coût du crédit. Nous nous permettons de rappeler que cet investissement est toutefois sans garantie, c’est avant tout une prise de risque et non un placement sûr. Retour en France pour le grand changement de vie.

Assis à sa table, Jérémy prend ses relevés de compte, “stabilote” toutes les dépenses qu’il peut réduire voire supprimer et la liste est longue. Est-ce pour autant une vie minimaliste et frugale ? Pas vraiment parce que ces termes sont souvent associés à un mode de vie sobre et respectueux de la planète, or ce n’est pas du tout la motivation première de Jérémy, bien qu’il participe à sa manière à l’effort écologique que l’on demande à tous actuellement. Mais quelle est la raison de ce virage aussi brutal ? On ne la comprend pas très bien mais ce qu’il compte pour lui c’est de traquer la moindre économie qui se pourrait se transformer en source d’investissement et donc en gain. Pourquoi pas ? Mais cette chasse aux économies implique de moins voir ses amis ou uniquement lorsqu’il lui est possible de partager des moments gratuits (ce qui restreint les occasions, vous en conviendrez). Sa compagne de l’époque ne le suivra pas dans cette obsession de l’épargne… L’occasion pour lui de retourner vivre chez sa mère. Tiens, tiens à nouveau le lien familial qui rejaillit dans son parcours pour arriver plus rapidement à ses fins, à savoir prendre sa retraite le plus tôt possible, voire avant sa mère peut-être ? Celle qu’il a vu “trimer” du matin au soir pour boucler chaque mois.

Depuis 2015, Jérémy économise 70 % de son salaire. Avant de devenir infirmier en libéral, il gagnait 1 700 € à l’hôpital et parvenait à mettre de côté 700 € par mois grâce à ces économies de bout de chandelles. Il a dû essuyer quelques moqueries de la part de ses proches mais force est de constater que les résultats sont là. En quatre ans, il a réussi à capitaliser 350 000 € et pense même tripler la somme d’ici 2020 (pour rappel, les épisodes ont été réalisés en 2019). Au début, il avait pour modèle cette personne rencontrée au Etats-Unis dont les choix de vie ont sans doute été inspirés par un mouvement assez courant dans le pays : le “early retirement”, autrement dit la retraite précoce. Des salariés qui travaillent énormément mais de manière condensée pour devenir rentier avant 40 ans. Un système libéral qui rend possible de faire des semaines de 60 heures et plus alors que le droit du travail en France est beaucoup plus encadré. Mais lorsque l’on demande à Jérémy quels sont ses projets pour fêter sa liberté retrouvée, il reste évasif comme si l’arrêt de cette épargne frénétique lui donnait le vertige.

L’avis de la psychologue, Marie-Claude François-Laugier, spécialiste des questions d’argent et autrice du livre “Comment régler ses comptes avec l’argent ?” est dubitative quant aux motivations de Jérémy. À la fois tourné vers les autres par son métier de soignant, il s’exclut de son cercle amical pour des raisons financières ce qui le pousse à vivre de manière isolée malgré ce qu’il en dit. Il pointe également le rapport tabou que l’on a avec l’argent, en France, et sous-entend que le sien est totalement décomplexé. La psychologue ne l’entend pas de cette oreille et voit dans les intentions de Jérémy une façon de grimper l’échelle sociale. Il en retire à la fois une forme de satisfaction personnelle mais aussi un besoin de partager sa fierté d’être parvenu à prendre sa revanche sur une enfance pas si tendre. En tout cas ici, l’argent sert pleinement à remplir un réservoir affectif. Reste à ne pas dépasser la jauge. En amour comme pour l’argent, le trop plein étouffe et ne fait pas forcément le bonheur.